Toutes les informations et bonnes pratiques pour mieux vous orienter en matière de santé !
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Au sommaire :
Inventer d’autres modèles de virilité
Des stéréotypes de genre façonnent garçons et filles dès leur plus jeune âge. Tandis que ces dernières se voient attribuer douceur, fragilité, sollicitude et attention aux autres…, les garçons sont gratifiés du courage, de la force, de la fermeté, de la vigueur, ou encore de la maîtrise des émotions.
Et dans cet ensemble d’attributs physiques et de qualités propres au genre masculin, il n’y a guère de place laissée à l’expression des émotions.
Des injonctions/normes sociales les invitent ainsi très tôt à ravaler leurs larmes et à taire leurs souffrances notamment psychologiques.
Résultat : leur santé mentale en pâtit.
Leur mal-être se manifeste par des comportements spécifiques comme les addictions (alcool entre autres) et la violence. Laquelle peut aussi fortement se retourner contre eux-mêmes.
Ainsi en France, près de trois décès par suicide sur quatre concernent les hommes.
Les psychologues Silvia Sara Canetto et Isaac Sakinofsky (1998) évoquent des « scripts culturels » genrés dans l’expression du mal-être poussé à son paroxysme : les femmes vont ainsi plus la déclarer au travers de dépressions ou de comportements suicidaires non mortels, et les hommes au travers du suicide.
De leur côté, Anne-Sophie Cousteaux et Jean-Louis Pan Ké Shon (2008) décrivent une extériorisation différente du mal-être selon les genres : les femmes sont ainsi socialisées à l’expression des émotions, à l’importance accordée à l’image et à la réalisation de soi par le couple, tandis que les hommes le sont à l’extériorisation de comportements virils et au camouflage des émotions.
À noter que cette sursuicidité masculine touche en particulier les hommes âgés de 65 ans et plus (notamment les plus de 85 ans) ainsi que les 45-64 ans. Des classes d’âge où les hommes sont notablement vulnérables face au risque suicidaire. Les plus âgés d’entre eux y affrontent en effet « des changements de nature “bifurcative” », c’est-à-dire « des transformations nettes » comme l’entrée en institution gériatrique, « marquant une perte de pouvoir décisionnel à la fois sur leur épouse et sur leur quotidien », comme le soulignent Frédéric Balard et Ingrid Voléry dans leur enquête Malâge (2021-2023).
Tandis que les moins âgés, avec la perte d’emploi (chômage des seniors) ou encore le passage à la retraite, sont symboliquement dépossédés de leur rôle social (Chen et al., 2021) et se retrouvent alors fréquemment sans repères ni liens protecteurs.
Face à cette indéniable détresse masculine, largement sous-diagnostiquée et sous-évaluée, comment changer les choses ?
Briser le silence est assurément une voie à suivre.
Car l’expression des émotions se révèle pour les hommes une voie pour retrouver une part d’humanité confisquée. Une manière de mettre en avant une autre virilité, empreinte de sensibilité et de tendresse, et libérée du carcan du contrôle permanent.
Cette réconciliation entre vulnérabilité et masculinité est à ce propos remarquablement explorée dans le documentaire Make Me a Man (2022). Dans ce film co-réalisé par Mai Hua et Jerry Hyde, thérapeute londonien qui tient des cercles de parole pour hommes depuis près de trois décennies, on y voit des hommes parler, douter, pleurer… Une vulnérabilité masculine potentiellement « source d’inspiration pour les autres » dixit la réalisatrice dans un entretien à Télérama.
Inspirer, libérer la parole des hommes, susciter les discussions autour de la santé masculine – notamment mentale –, c’est par ailleurs ce à quoi s’attelle le mouvement Movember (contraction de “Mo”, moustache et de “November”, novembre en anglais) chaque mois de novembre (“Novembre bleu”).
Un mois durant lequel les hommes sont encouragés à se laisser pousser la moustache pour recueillir des fonds et engager des discussions sur leur santé.
Certains d’entre eux, collègues, amis, partenaires sportifs… peuvent d’ailleurs faire figure d’exemples quant aux “bons” comportements à adopter en la matière. Un mois où les hommes sont encore invités à courir ou marcher 60 km au cours du mois en référence aux 60 hommes du monde entier qui se suicident chaque heure.
Autre manière d’agir, inciter les hommes à ne plus faire l’autruche et les encourager à demander de l’aide et à consulter dès lors qu’ils sentent qu’ils perdent pied… comme le font plus facilement les femmes en ce domaine : « Au CPS Paris, spécialisé dans la problématique suicidaire, notre ratio est éloquent. 70 % de femmes contre seulement 30 % d'hommes consultent » indique à ce propos Vincent Lapierre, directeur du Centre de prévention du suicide (CPS) à Paris et ambassadeur de la fondation Movember, dans un article du Point (2025).
N.D.R La prédominance féminine dans les consultations psy se vérifie également coté MySantéclair. Seul 28% des nos consultations vidéos psy entièrement prises en charge concernent les hommes !*
Mais il y souligne aussi toutefois que les choses évoluent dans le bon sens puisque depuis 2021 la « patientèle masculine du centre rajeunit considérablement. » Ainsi, pour les moins de 25 ans, « consulter un psychologue est socialement plus accepté. La santé mentale s'affirme comme préoccupation légitime. »
Une préoccupation qui est du reste plus que jamais aussi celle des pouvoirs publics.
À cet égard, le site internet santementale-info-service, lancé cet automne par Santé publique France dans le cadre de la Grande cause nationale 2025, met à disposition des ressources précieuses.
Deux rubriques parmi les cinq sont d’ailleurs plus spécifiquement tournées vers l’aide, en l’occurrence : “Aider quelqu’un” et “Trouver de l’aide” pour soi ou pour un proche.
Toujours est-il que les lignes bougent en matière de masculinité. Comme en témoignent, dans un article du Monde (2022) de jeunes hommes volontaires pour « repenser la masculinité » et « inventer d’autres modèles ». Ces derniers rejettent en effet le modèle viril et trop figé du guerrier invincible pour inventer d’autres manières d’être des hommes.
Exit la performance, la domination et le contrôle à tous crins. Place à une masculinité plurielle, inclusive, plus douce et plus humaine. Clairement, cette nouvelle génération refuse le fardeau du silence et réhabilite l’expression émotionnelle comme un acte de courage.
Mais il est vrai aussi qu’en parallèle des positions plus traditionnelles ont tendance à s’exprimer avec plus de conviction encore en particulier sur les réseaux sociaux. C’est ce que montre la mini-série Adolescence , diffusée ce printemps sur Netflix, qui aborde la masculinité toxique sur les jeunes garçons sous l’aune de ces réseaux et de leurs influenceurs masculinistes, tel Andrew State, lequel exalte notamment l’idéologie incel (célibataires involontaires). (L’ADN, oct. 2025)
Un sujet justement décortiqué dans l’étude “Boys in the Digital Wild”, menée en juillet dernier par l’ONG Common Sense Media auprès de quelque 1 000 adolescents américains âgés de 11 à 17 ans, et qui vient corroborer le scénario d’Adolescences.
Il en ressort notamment que 69 % d’entre eux « consultent régulièrement des contenus sur la masculinité qui promeuvent des stéréotypes de genre problématiques », des publications qui apparaissent dans leur fil d'actualité, sur TikTok en particulier, « sans qu’ils les recherchent » pour plus des deux tiers !
Ces ados sont également « près de 60 % à trouver les influenceurs “inspirants” » et « près de la moitié pensent devoir respecter des “règles non écrites” – comme ne pas pleurer, montrer sa tristesse ou exprimer sa peur – pour éviter les moqueries et le harcèlement. »
Bref, pour les auteurs de l’étude, leurs « résultats révèlent une tendance claire : plus les garçons sont exposés à des contenus numériques sur la masculinité en ligne, plus ils adhèrent aux normes masculines traditionnelles qui les incitent à dissimuler leurs émotions. »
Il y a donc encore du chemin à parcourir pour faire en sorte que l’expression des émotions masculines soit une réalité et pleinement acceptée dans nos sociétés. Mais une chose est sûre : les nouvelles masculinités, qui émergent quoi qu’il en soit, ne renient pas la force ; elles la redéfinissent.
Elles montrent finalement que la véritable force chez un homme n’est pas de tout supporter mais bien davantage d’oser ne plus se cacher derrière une virilité écrasante et source de bien trop de tourments.
En novembre, Santéclair se mobilise pour le mouvement Movember, dédié à la sensibilisation autour des cancers masculins (prostate et testicules) et de la santé mentale des hommes.
En signe de soutien, votre plateforme MySantéclair passe au bleu et vous propose tout un dispositif d’information, de prévention et d’accompagnement.
Tout au long du mois, vous y retrouverez :
Ensemble, faisons brisons les tabous et portons haut les couleurs de Movember.
Suivez le mouvement sur nos réseaux sociaux
Sources :
https://fr.movember.com/mens-health/mental-health ;
La mortalité par suicide au régime agricole
6e rapport Observatoire national du suicide ;
Trouble dépressif (dépression)/OMS ; Cousteaux M, Pan Ké Shon JL, Le mal-être a-t-il un genre ? Revue française de sociologie, 2008,
Raybaud A. Ces jeunes hommes qui repensent leur masculinité. In Le Monde, Campus, 8 février 2022
Tacchi N. Pourquoi les hommes ont-ils plus de mal à consulter un psy ? In Le Point, 14/03/2025
Rahmil D-J. “« Tu seras un homme mon viewer » : la pensée masculiniste s’infiltre sur le portable des enfants”, L’ADN, Tendances & Mutations, 14 oct. 2025
“Boys in the Digital Wild : Online Culture, Identity, and Well-Being”, Common sense media, 2025
*Source : Santéclair sur 22 600 consultations vidéo psy